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Pourquoi autant de noms pour l'Allemagne et les Allemands ?

Les peuples germaniques existaient avant la naissance d'un pays germanique unifié. Les voisins des nations allemandes les ont désignées chacune par un nom propre sans qu'il y ait eu un nom générique pour l'ensemble du peuple allemand.

1. Germain

Le mot germain (1512) est un emprunt au latin germanus. L'origine du mot est hypothétique, il semblerait que le terme n'ait pas de rapport avec le latin germanus, vrai, certain, naturel, qui donne naissance au français cousin germain ou germains au sens de parents proches, à l'espagnol hermano « frère » par l'ellipse de frater germanus.

Le gentilé proviendrait d'une racine celtique gair, « voisin », maon, man, « peuple » qui est attestée par l'ancien gaélique gair, « voisin ». Le nom Germani était donné par les Gaulois à leurs voisins de l'autre côté du Rhin. Toutefois, César qualifie les peuples belges de germains et le nom de Germanie désignera les territoires romains sur la rive gauche du Rhin et au nord de la Marne.

Une autre hypothèse le rattacherait au germanique *geromann, « lancier, soldat équipé d'un javelot ». Cette racine serait prouvée par le vieux norrois geirr, le vieil haut-allemand gêr, l'anglo-saxon gâr, nom du javelot. Le gaulois gaiso- de même sens a sans doute emprunté le terme au germanique et l'a transmis au latin gaesum. Polybe cite une tribu gauloise des Gaesati, les Gêtes, sans doute une troupe de mercenaires.

Le nom suffixé Germaniens apparaît en 1284 en français. Les dérivés français (germaniste, germanique, germaniser) sont savants et tardifs. En anglais, la famille désigne l'Allemagne (Germany), les Allemands (Germans) de manière courante, mais après avoir supplanté le terme plus ancien de Dutsch.

En français, comme en anglais et en allemand, le mot germanique est un hyperonyme qui se rapporte à l'ensemble des langues de cette sous-famille indo-européenne. On distingue ainsi :

2. Deutsch

Ce radical provient du proto-germanique *theudisko-z, « relatif au peuple, à la nation », à partir de *theuda, « peuple, nation ». Le mot était utilisé en anglais ou en allemand afin de désigner la langue du peuple distincte du latin ou des langues romanes.

Le mot anglais Dutch en est dérivé, il a été utilisé pour l'ensemble des peuples germaniques du nord. L'ancien usage anglais est conservé dans le nom des Pennsylvania Dutchs donné aux Amishs vivant dans les Appalaches. Cette secte est originaire d'Allemagne du nord. La légende de The Lost Dutchman Mine ou la mine perdue de l'Allemand présente la même singularité, le personnage étant originaire d'Alsace. Aujourd'hui, le nom Dutchman se rapporte en anglais aux Néerlandais, il correspond en néerlandais à Duits.

Le radical *theuda a été conservé jusqu'en moyen anglais sous la forme thede, mais il a été remplacé par les équivalents romans de people et de nation. D'autres parlers non germaniques emploient des formes voisines : osque touto, gaélique tuath, lituanien tauta. Tous ces termes signifient « peuple».

L'italien utilise pour le peuple allemand le dérivé tedesco, issu de l'ancien germanique. En revanche, le pays se nomme Germania.

Le français utilise des dérivés variés qui couvrent des réalités distinctes : l'adjectif thiois se rapporte aux parlers franciques utilisés en Flandre par opposition aux parlers romans, la forme thiais est ancienne ; la frontière linguistique en Moselle comprend deux villages Audun-le-Roman et Audun-le-Tiche, ce dernier terme vient de l'ancien germanique Diustic ; l'adjectif tudesque à connotation péjorative est un emprunt tardif à l'italien tedesco, il se rapporte aux anciens parlers germaniques ou aux Allemands.

Le radical teuton est emprunté au latin classique Teutones ou Teutoni, il s'agissait d'une tribu originaire du Jutland qui avait envahi la Gaule et avait été vaincue par Marius. Le terme apparaît tardivement (1654) et il se rapporte à la fois aux anciens Germains et aux Allemands mais de manière péjorative. Le dérivé teutonique est plus ancien (1489), il est issu du latin teutonicus qui s'est spécialisé en histoire pour désigner un ordre de chevalerie fondé en Orient par des soldats venus de Brème et de Lübeck.

3. Allemand

Le mot français allemand, ainsi que l'espagnol alemán, le vieil anglais Almain, proviennent du nom particulier d'un peuple, les Alemanni « tous les hommes ». Les Alamans se sont établis dans une région autour du Rhin supérieur, du Jura et de la Forêt-Noire. Ils étaient donc le peuple de langue germanique le plus directement en contact avec les Français.

L'adjectif alémanique d'origine savante se rapporte aux parlers haut-allemands situés dans cette région : alsacien, suisse alémanique ou Schwytzertutsch, souabe, badois, bavarois. Plus spécifiquement, l'adjectif distingue les Suisses de langue allemande des Suisses de langue française ou Suisse romands.

Certains villages en France sont d'anciennes colonies d'Alamans comme Allemagne, Allemaigne.

4. Saksa

Le finnois saksa est tiré du nom de la tribu des Saxons qui occupait le nord de l'Allemagne. Le nom des Saxons s'est spécialisé en français pour désigner : les régions du nord-ouest de l'Allemagne ou Saxe et leurs habitants ; l'anglais ou anglo-saxon, parler germanique des envahisseurs angles, jutes, saxons.

5. Les muets

Le russe Nemets , Allemand, nemeckij, allemand, remonte à nemoj « muet, idiot » en ancien slave. Celui qui n'était pas capable de parler une langue compréhensible n'était pas bon pour parler du tout. L'insulte est similaire à celle de barbare pour les peuples non grecs, puis non latins, qui ne pouvaient articuler qu'une onomatopée similaire à un langage animal.

Les langues slaves ont influencé le hongrois (langue non indo-européenne) német et le roumain (langue néo-latine) neamt,, la ville de Pietra Neamt, est la pierre des Allemands. Notons néanmoins que le roumain utilise aussi le mot Germani et que muet se dit mut en roumain.

6. Vacija

Le letton vacija provient peut-être d'un mot signifiant Ouest, les Allemands vivaient à l'occident de ce peuple balte.

7. Goths

Le nom des tribus des Goths sont restés spécialisés sauf lorsqu'ils sont pris dans un sens péjoratif et comme insultes. Contrairement à une légende, les Ostrogoths ne sont pas les Goths de l'Est mais les Goths brillants. Les Wisigoths ne sont pas les Goths de l'Ouest, mais les Goths sages. Le terme Goth vient de Gotones issu de Gut-thiuda, « le bon peuple ». On peut remarquer une forme de surenchère dans les épithètes valorisants. À l'époque classique, l'adjectif gothique désignera tout ce qui appartient à l'ancien temps et qui manque de goût.

Une autre erreur fréquente consiste à confondre l'alphabet gotique et l'écriture dite gothique. La langue gotique était partagée par les Vandales et les Burgondes, elle a été écrite à l'aide d'un alphabet imité en partie de l'alphabet grec par l'évêque Wulfila au quatrième siècle. Cet alphabet gotique n'a aucun point commun avec l'écriture gothique qui est une manière d'écrire en alphabet latin. D'autre part, l'écriture allemande ancienne est qualifiée à tort de gothique alors que son nom exact est la Fraktür. Il s'agit bien entendu de la connotation péjorative qui s'appliquait aussi en France à l'écriture ancienne considérée comme rude, étrangère, archaïque.

Le nom des Goths est resté dans des noms de villages comme Gueux, centre d'une colonie.

8. Vandales, Lombards, Francs, Burgondes...

Les noms de certaines tribus germaniques sont passés comme noms de régions.

a. Les Vandales

Cette tribu s'est établie dans le sud de l'Espagne et a donné son nom à l'Andalousie. Le mot en ancien français était wandele et sa forme actuelle est une réfection francisante de Voltaire en 1732. À partir de ce moment, le nom des Vandales devient synonyme de barbare, sauvage, assassin, voleur.
Le terme vandalisme naît au siècle suivant pour désigner les destructions de monuments : on a une évolution symétrique à celle de gothique, mais plus tardive. Pour les Lumières, les Vandales sont liés aux invasions et aux destructions, mais le terme gothique deviendra positif en histoire de l'art au siècle suivant et les vandales seront ceux qui se sont attaqués au gothique.

La perte du w germanique en espagnol, puis en français, dans le nom de l'Andalousie laisse supposer que le nom pouvait être *fandalo.

b. Les Lombards

Les Longobards ou Lombards donnent leur nom à la région du nord de l'Italie autour du Pô. Les banquiers dits lombards, d'abord d'origine italienne sans être lombards, deviendra synonyme d'usurier. On disait ainsi « Aller de juif à lombard » pour dire que l'on empruntait à l'un pour rembourser l'autre.

c. Les Francs

Les Francs saliens donneront leur nom à la France tandis que les Francs ripuaires ou voisins de la rive du Rhin donneront le leur à la région allemande de Franconie.

Les régions peuplées majoritairement par les Francs entre Rhin et Moselle possèdent des parlers dits franciques luxembourgeois, Platt en Moselle, sarrois qui se distinguent des parlers dits alémaniques voisins.

d. Les Burgondes

Les Burgondes donnent leur nom à la Bourgogne, Burgondy en anglais. La notion de Bourgogne a considérablement varié à travers les âges : le royaume de Bourgogne englobait tout le sud-est de la France, plus tard la Franche-Comté a d'abord été le comté de Bourgogne dans le Saint-Empire romain germanique par opposition au duché de Bourgogne dans le royaume de France.

e. Les Sarmates

Ils n'ont laissé leur nom qu'à quelques villages comme Sermaize.

f. Les Alains

N'ont pas laissé de trace lexicale. Les Ossètes descendent des Alains. La racine est la même que celle d'Allemand.

Quelques autres peuples ont laissé leur nom : les Bayouvares ou Bavarois, les Thuringiens, les Frisons, les Jutes, les Angles. D'autres sont seulement historiques : les Chérusques, les Marcomans, les Chauques, les Bructères, les Suèves, les Silingen.

Les insultes envers les Allemands

Les Français ont longtemps montré leur mépris à l'égard des Allemands en utilisant des termes qui se référaient aux anciennes tribus germaniques : ostrogoth, wisigoth (d'abord visigoth chez Voltaire), vandale, tudesque, teuton, gothique. Ces termes péjoratifs se référaient d'abord aux invasions barbares, aux exactions supposées ou réelles des Germains, mais aussi à ce que l'on imaginait à propos du Moyen Âge, des temps obscurs, d'une absence de goût et d'intelligence.
Les Germains étaient perçus comme des peuples destructeurs qui s'opposaient aux peuples dits civilisés, gréco-latins et surtout ensuite gallo-romains. Le racisme à l'oeuvre dans la pensée classique, puis dans celle des Lumières se fondait sur l'idée d'un modèle parfait de culture, mais il ne rejetait pas les Allemands comme tels dans la ténèbre : Voltaire estimait qu'il pouvait éclairer le roi de Prusse.
D'ailleurs, ces insultes ne se préoccupaient guère de race puisque les Allemands pouvaient être associés à d'autres envahisseurs comme dans l'expression « espèce de Hun ! » Elles deviennent vite démotivées : le vandale dès 1732 peut être un voyou, un saboteur.
L'écriture dite faussement gothique ne se réfère pas tant à la Fraktur qu'à l'écriture médiévale, le style gothique n'est pas le style allemand puisqu'il est né en France mais au style d'une époque ancienne qui manquait du bon goût classique et de l'imitation du modèle gréco-romain.
Ce sont donc d'abord des insultes qui se réfèrent à l'ancienne antithèse entre le barbare et le civilisé, à l'idéologie aristotélicienne d'une hiérarchie des styles.

1. Tous les autres s'appellent Fritz

Un procédé courant du racisme consiste à réduire l'ensemble des autres peuples à un seul individu par un prénom courant. C'est ainsi que Fritz est apparu en 1914, le diminutif de Friedriech résumait tous les Allemands. Le choix du prénom ne tient pas tellement au fait qu'il serait répandu. Ainsi, le prénom Hans n'a jamais été pris, le pseudonyme du dessinateur Hansi était associé à une propagande pro-française durant l'occupation de 1870-1918. Fritz était connu par le roman d'Erckman-Chatrian Mon ami Fritz qui présentait un personnage sympathique, un peu lourdaud et peu dangereux. Toutefois, le prénom Fritz était associé à la dynastie Hohenzollern et au souvenir du Frédéric le grand ou le roi guerrier. Des raisons plus subjectives ont dû aussi jouer, les sonorités donnent à la fois une fermeture et des associations de consonnes dures.

Le dérivé fridolin apparaît en 1917, mais il aurait été présent dès 1880 selon Chautard. Une variante frigolin aurait été plus fréquente entre les deux guerres selon Esnault. La construction de ce nom est complexe. Le nom frigolin peut se référer au froid, au frigo, et donc au caractère présumé des Allemands. Mais la terminaison emprunte aussi à des prénoms traditionnels d'origine germanique comme Ugolin. Le passage de frigolin à fridolin peut partir d'un retour aux noms allemands Friedrich, Siegfried, Wilfried, le radical frid- est senti comme proprement allemand.

En 1941, apparaît l'altération frisé et une variante plus rare frison. Or ce terme montre un double effet de brouillage : le nom des Frisons est celui d'une ancienne tribu germanique et d'un peuple situé entre Hollande et Saxe, il s'agit d'une remotivation des anciennes dénominations comme Ostrogoth ou Wisigoth ; le mot frisé était employé dès 1836 pour désigner les juifs le plus souvent d'origine allemande, mais aussi en les réduisant à leur chevelure. On aurait donc en fait une sorte de retournement ironique en désignant les Nazis ou les soldats allemands comme des juifs.

2. Les autres ne savent pas parler

La langue de l'autre, c'est une langue qui ne mérite pas le nom de langue. Le barbare, c'est celui qui ne peut parler correctement notre langue, celle-ci étant supposée plus pure et plus claire que toutes les autres. Ainsi, les termes langue tudesque, teutonne désignent dans la pensée classique une langue rude, incapable de raffinement et d'intelligence.

Lorsque l'on veut dire qu'un discours est incompréhensible, on le désigne comme de l'allemand ou du haut-allemand depuis Rabelais .

Ces insultes se retrouvent dans des termes lorrains : parler en allemand ou comme un Allemand, c'est hallemander avec un h bien expiré, c'est hachepailler. L'Allemand ou l'Alsacien devient le hachepailleur, celui qui parle comme s'il hâchait de la paille, en réduisant tout mot à une sorte de bouillie.

3. Tous des uhlans prussiens !

Lorsque les troupes allemandes se sont répandues en Alsace et en Lorraine en 1870, les paysans s'exclamaient que les Suédois étaient de retour. Deux siècles plus tôt, lors de la Guerre de Trente Ans les troupes suédoises s'étaient en effet livré à l'un des plus grands massacres de l'histoire européenne : un tiers de la population de la Lorraine, de l'Alsace et du Palatinat avait été exécutée ou affamée, une autre partie n'avait dû sa survie qu'à l'abandon de leur village et elle deviendra les Yennischs qui adopteront le mode de vie des Roms.

Les troupes allemandes de 1870 deviendront donc seulement composées de uhlans prussiens même si elles comprenaient des Badois, des Hanovrois, des Bavarois, et plus souvent des fantassins. Le nom du uhlan est phonétiquement évocateur, le français opère une disjonction alors que le terme devrait commander l'élision : l'uhlan plutôt que le uhlan. Le nom évoque le hurlementn le hululement, un langage qui n'est pas humain. Une première orthographe du nom en français a été hulan au 19e s.

Le Prussien devient en 1895 un Prusco, en 1907 un Pruscoff. Le deuxième terme est intéressant par sa resuffixation, l'Allemand qui vient de l'Est est assimilé aux Russes et donc aux autres envahisseurs que furent les Cosaques.

4. Je ne veux voir qu'une seule tête !

Le boche (1879) est une aphérèse d'Alboche. Le suffixe -boche a été utilisé en argot : rigolboche (1860), italboche. Le croisement de cette construction avec d'autres expressions a renforcé les connotations négatives : le mot a été Allemoche avec un renforcement sur moche, « laid » ; le boche était le mauvais sujet auparavant, un libertin (1866) ; la tête de boche est une tête de bois, une tête dure à Marseille et c'est la boule qui sert à jouer à la pétanque.

Le mot apparaît d'abord en Lorraine, à Metz en 1862. Or le peu boch, c'est le vilain, le pas beau en dialecte lorrain. Le boche, ce ne serait donc pas simplement celui qui a le crâne dur, mais aussi celui qui a une tête laide et cela expliquerait le double emploi d'Allemoche et d'Alleboche.

Un terme parfois utilisé en Lorraine est tête carrée. Cette expression est aussi employée par les Québécois envers les Canadiens anglais. Cela renvoie aux idées d'uniformité, de fermeture d'esprit, d'absence de rondeur et donc de politesse ou de civilisation.

On dit encore en Lorraine tête de Holtz, ou par ellipse espèce de Holtz. Le Holtz en question est le bûcheron, Holz. C'est le plus proche voisin puisqu'il se rend dans les montagnes. C'est encore le sauvage ou l'homme de la forêt. C'est encore par métonymie, celui qui a une tête aussi dure que le bois.

5. Les Allemands sont tous des Bougnoules !

J'ai souvent entendu l'idée que le mot bougnoule aurait d'abord désigné les Allemands par les Français ou les Français par les Allemands. Il s'agit d'une de ces rumeurs qui reposent sur des confusions. Le mot bougnoule apparaît en 1890 au Sénégal et il a d'abord servi à désigner les Africains noirs. Cependant, ce terme xénophobe a servi ensuite dans les colonies à l'ensemble de tous ceux qui n'étaient pas français, donc en priorité aux Arabes, les indigènes. Il a pu voyager en métropole et s'appliquer aussi à des paysans, à des Bretons, bref à tout ce qui n'était pas parisien.

Les troupes coloniales africaines ont rapporté le nom d'une tribu berbère du Maroc, les Chleuhs (1891), ou Chleus ou Schleus. Le mot se rapportait d'abord aux troupes coloniales composées d'indigènes, puis aux troupes territoriales vers 1914. On passe de là à l'idée de la troupe qui ne parle pas français (1936), donc la troupe située sur la frontière voisine en 1939, et fatalement à l'Allemand. Le début du mot, par sa série de consonnes, évoque les sonorités de l'allemand et un autre nom de tribu berbère n'aurait pu servir.

6. Que de sales bêtes !

L'assimilation de l'Allemand au cochon est ancienne. Elle est liée aux présupposés sur des mangeurs de choucroute ou de charcutaille, c'est l'absence de raffinement qui domine alors. On dresse des portraits d'Allemands gras, gros, dodus. On assimile ensuite le mangeur à ce qu'il mange et on le réduit à quelque chose d'indigeste. Mais on fait aussi de l'Allemand une sorte de pourceau afin de lui ôter toute humanité. Tel est par exemple le sens du conte de Maupassant, « le Cochon de saint Antoine ». Saleté, sottise, bestialité sont les traits de l'Allemand dans ce cas.

Moins connu est le surnom donné par certains : doryphores. Le lien avec l'invasion de ces coléoptères a été motivée par la crise du phylloxéra au lendemain de la Première Guerre mondiale qui a affamé l'Europe. Le doryphore est un parasite de la pomme de terre, l'Allemand est connu comme un mangeur de pommes de terre, le doryphore a détruit les cultures juste avant la guerre, et de là on passe à une assimilation entre des faits voisins dans le temps. Le souvenir était assez vivace pour que je l'entende encore dans les années 70.

La plupart de ces insultes sont vieillies et n'ont plus guère de sens en dehors de leur contexte historique. Le nazisme est passé par là et a rendu vaines ces représentations archaïques, primitives. Certes, il existe encore des campagnes où l'on entend encore parler des Boches, des Schleuhs, mais les personnes qui s'expriment ainsi discréditent totalement leur prétendue allégeance à l'esprit de la Résistance ou de l'humanisme.

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